Cela fait 30 ans que Michel pratique l’agriculture biologique et tout autant chez Nature & Progrès. Avec sa femme Marianne, ils font tourner la ferme et le magasin « Li cortis des fawes » près de Sprimont. C’est lors d’une visite de Système Participatif de Garantie qu’ils nous présentent leurs activités.
Du maraîchage à la ferme polyculture-élevage
Michel vient d’une famille d’agriculteurs et a fait des études de techniques horticoles à La Reid. C’est en 1990 qu’il lance son activité de maraîchage sur petite surface, en bio, et qu’il commercialise en direct à sa ferme les vendredis après-midi. Il se spécialisera dans la culture de Cucurbitaceae (courges - jusqu’à 130 variétés) suite à l’opportunité de participer à la Foire aux Potirons de Sprimont. Pendant 10 ans, il ne fera que du maraîchage.
L’idée et l’envie de développer l’élevage travaille Michel. Car, comme il le dit, « La complémentarité animal – plante est au cœur de l’agriculture biologique ! ». En effet, pratiquer l’élevage à la ferme résout un des gros défis du maraîchage : l’accès à la fumure bio. De plus, la diversification avec des animaux permet d’étaler la saison de travail, dans une région peu propice au maraîchage hâtif. Mais pour avoir des bêtes, il faut des terres ! Il lui faudra attendre 2003 pour pouvoir reprendre en location des prairies de son grand-père. Il acquiert alors quelques moutons roux ardennais et achète 4 Blondes d’Aquitaine à la ferme Pâque. Le temps passant, il lui faudra agrandir les bâtiments de ferme pour accueillir de plus en plus de vaches et de brebis. Les étables sont réalisées en auto-construction avec un charpentier local, ce qui prend du temps et de l’énergie, deux ressources précieuses dans une activité agricole !
L’étable entièrement en bois est très moderne dans sa conception ! Les loges bénéficient de grandes ouvertures. Les vaches y sont bien installées pour mettre bas et attendre le retour en prairie. La paille est stockée au-dessus des loges, permettant ainsi de la faire basculer au fur et à mesure des besoins. Michel l’amène par l’arrière, zone souvent la plus propre et donc plus saine pour les veaux, car les vaches ont tendance à déféquer en mangeant à l’avant. C’est donc de ce côté qu’il récupère son mélange fumier paille pour le faire composter dans sa fumière. Le lisier est collecté dans une citerne.
Ils possèdent maintenant 45 brebis avec leurs agneaux, majoritairement de la race Ile de France, et une dizaine de Blondes d’Aquitaine. La ferme, grâce à l’ajout de locations de prairies ça et là, s’étend à présent sur 29 ha dont 0,7 ha de maraichage plein champs et 0,1 ha de tunnels. Michel est l’unique ouvrier sur sa ferme et doit assumer la gestion des cultures et de l’élevage seul. La ferme est réfléchie pour répartir le travail sur l’année : été-automne c’est principalement le maraîchage ; les bêtes rentrent à la ferme fin de l’automne pour les agnelages et vêlages qui ont lieu jusque fin avril, avant le retour en prairies. Marianne, depuis son arrivée sur la ferme en 2015, a développé le magasin, permettant d’en faire une épicerie bio complète et d’ouvrir en plus le samedi matin.
Les vaches et leurs veaux attendent patiemment dans leur spacieuse étable le retour en prairie. L’étable peut potentiellement contenir une trentaine d’animaux mais ce n’est pas le souhait de Michel. Il a récemment ajouté à son troupeau une génisse Normande. « C’est toujours bien dans un élevage bovin d’avoir une vache laitière qui peut servir de nourrice si les vaches ne produisent pas assez de lait pour leurs petits ».
Les moutons passent l’hiver dans les tunnels du maraichage une fois les cultures terminées. Ils ont un accès permanent à l’extérieur. Lors des naissances, des loges avec lampes sont installées, permettant à la mère de se lier à ses petits les quelques premiers jours de leur vie avant de rejoindre le troupeau.
Être ouvert à la nature…
Être producteur bio, c’est vraiment essentiel pour Michel. C’est le message qu’il fait passer à la clientèle de son magasin : « Je ne sors pas de mon cadre bio ! Ça passe avant le local. L’idéal étant bien sur le bio local. Mais dans notre coin, ce n’est pas facile à trouver ». La pratique du bio qu’il défend correspond aux valeurs prônées par N&P depuis ses débuts : travailler en accord avec la nature, en respectant au mieux les cycles naturels, être productif mais pas à tout prix, valoriser son savoir-faire localement et en toute transparence. Le fait de travailler seul sur la ferme fait qu’il doit faire des compromis, qu’il doit en tout cas faire des choix car tout ne peut pas être fait en même temps. « C’est une entreprise qui fonctionne toujours après 30 ans, qui a des valeurs. Alors, il y a peut-être des choses à critiquer, à mieux faire, mais on est toujours là ! ».
Un affichage clair en magasin permet à la clientèle de distinguer la production de la ferme, de connaître la provenance des produits et les invite à en discuter pour comprendre les choix faits !
Ce qui est sûr c’est que, lors de cette visite, nous avons en face de nous un homme passionné par son métier et fier de sa manière de le pratiquer. Il y a une forte volonté de tirer le meilleur partie des équilibres naturellement en place. Le maraîchage est diversifié et conditionné par les souhaits des habitués du magasin, comme la culture de capucine tubéreuse qu’il a tenté à la suite d’une demande d’une cliente et qui est maintenant devenue une de ses productions régulières. Mais Michel estime que sa terre n’est pas propice à tous les légumes : « Au niveau des ravageurs, je n’ai pas de problème majeur. Mais je suis ouvert à la nature. J’estime que c’est normal d’avoir une part de perte due au milieu dans lequel on se trouve ». Lorsque cette perte est acceptable, le légume garde sa place. Mais dans certains cas, la pression des ravageurs est trop importante, et alors Michel préfère se concentrer sur ce qu’il peut bien faire et acheter chez un autre producteur bio ce qui lui manque. Surtout que c’est très important pour lui : pas de traitements ! Comme il le dit : « Traiter, même avec des produits naturels, c’est créer un déséquilibre dans le cycle. Si j’élimine artificiellement un ravageur, je repousse également ses prédateurs. Je préfère créer une ferme propice aux auxiliaires de cultures et faire avec ce que la nature veut bien me laisser faire. Pour le reste, tant pis, il ne faut pas s’acharner ! »
Créer un milieu propice aux auxiliaires… Voilà ce qui fait tenir cet équilibre délicat entre production humaine et patrimoine naturel. A Li cortis des fawes, il y a un élément qui joue un rôle central dans cet équilibre, c’est la haie diversifiée. « Ma haie, c’est une grande fierté ! Elle attire un grand nombre d’oiseaux. Il y a une zone à laquelle je n’ai pas touché depuis 30 ans ! On devrait rendre obligatoire dans toutes les entreprises de garder une zone sauvage. »
… en toute indépendance pour plus d’autonomie
Vous l’aurez donc compris, Li cortis des fawes c’est une ferme qui fonctionne un maximum en autonomie avec ce que son milieu peut lui offrir. Aucun intrant n’est acheté, sauf la paille pour les étables, que Michel arrive à se procurer quasi totalement en bio. Les sols sont amendés avec le fumier composté et le lisier de la ferme. A la fin des récoltes, des céréales sont semées pour couvrir le sol. Elles seront broutées par les moutons et le cheval familial juste avant les premières préparations du sol avant mise en culture.
Être autonome, c’est aussi maitriser ses filières jusqu’à la commercialisation. 100 % de la production de la ferme est vendue au magasin, qu’il s’agisse des légumes comme des colis de viande de veau, de bœuf et d’agneau. Michel est très proche de ses animaux et souhaite les accompagner jusqu’à la fin de leur vie, qu’il veut la plus longue et paisible possible. Il doit parfois se résoudre à vendre ses vaches de réforme à un marchand. Les brebis de réforme les plus dociles sont mises à l’adoption. Pour les autres, ils les amènent à l’abattoir et propose ainsi au magasin des merguez issues de sa ferme.
Du point de vue de l’accès à l’eau, Michel et Marianne sont bien équipés ! 3 citernes de récupération d’eau de pluie cumulent 90.000 L d’eau qui sert à l’irrigation des tunnels. Les légumes plein champs ne sont pas arrosés. Pour les animaux, c’est de l’eau de ville (question de qualité de l’eau). En prairie, Michel doit apporter tous les 2-3 jours, voir tous les jours en plein été, des bidons d’eau, qu’il remplit à un captage mis à disposition par la commune.
Michel, Marianne et Nature & Progrès
Comme beaucoup de pionniers du bio nous le dise, se labelliser N&P il y a 30 ans apparaissait comme une évidence : « A l’époque, N&P était le seul label qui permettait de garantir l’agriculture biologique aux consommateurs. C’était aussi l’organisme le plus proche des producteurs. », témoigne Michel. Quant à Marianne, étant issue d’une des plus anciennes familles N&P de Wallonie, elle était déjà bien au fait du label avant sa rencontre avec Michel.
Aujourd’hui, d’après Michel, être N&P continue d’avoir du sens pour la défense des valeurs du bio. Mais il y a une nécessité de mieux s’identifier, de plus mettre en avant qu’on travaille différemment du bio industriel. Il souhaiterait voir s’intensifier l’aspect label.
Li Cortis des Fawes
Marianne et Michel Monseur
Rue des Fawes 56A
4141 Louveigné
04/360.83.45
Magasin ouvert :
- Vendredi de 14h30 à 19h
- Samedi de 9h à 12h
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